GLUCK Henri
Notre ami Gluck est citoyen Suisse, étant né à Lausanne en 1913. Mais il est d’origine alsacienne, son grand-père était venu habiter Lausanne après 1870. Rien ne semblait devoir l’attirer vers la mer et cependant très jeune, il formait le projet de devenir marin. Un jour, il s’en ouvrit à son père qui en bon négociant terrien, lui dit son hostilité à ce projet au point de menacer son fils de lui couper les vivres s’il persévérait dans sa folie : Qu’à cela ne tienne, répondit le jeune Henri, coupe les vivres, mais je serai marin.
Et effectivement les vivres furent coupés et notre
ami ayant atteint sa majorité pour gagner sa vie, s’engagea comme plongeur dans
un bar... Cet établissement avait un client sérieux en la personne d’un marquis
italien qui fut séduit par l’aspect intelligent et honnête de ce grand garçon
bâti en athlète. Il proposa de le prendre à son service comme valet de chambre.
C’était une promotion, surtout du point de vue salaire. Notre ami accepta. Mais
lorsqu’il eut assez d’argent de côté, il écrivit à l’armateur finlandais
Erickson, pour lui demander un embarquement et, dés qu’il eut reçu la réponse
favorable, qu’il espérait, Gluck prit le train pour Copenhague pour gréer son
sac et embarquer sur le 4-mâts PASSAT.
C’est ainsi qu’il fit son tour du monde comme
matelot léger en doublant les 3 Caps.
Cependant, tout à fait conquis par le méfier, notre
ami ne voulut pas rester dans le poste d’équipage. Sa culture, son éducation
tout le faisait ambitionner de devenir officier. Pour cela, il fallait passer
par l’Ecole d’Hydrographie, et c’est ainsi qu’un jour il débarqua à St Malo,
que le sort lui avait fait choisir, avec l’intention formelle d’aller à l’Ecole
d’Hydrographe de cette bonne ville. Excellent projet, mais le port de St Malo
était à cette époque ( 1937) empli de voiliers terre-neuvas. Ce fut plus fort
que lui, encore une occasion de naviguer à la voile, et la dite voile l’emporta
sur les bouquins, il ne put toutefois embarquer sur un navire de pèche à cause
de sa nationalité.
Mais il réussit à s’engager comme matelot sur le
bateau hôpital de la Sté des Oeuvres de Mer, le ketch SAINT YVES, capitaine
Laffont de Cancale. Celui ci était fort inquiet et perplexe d’avoir à son bord
un marin suisse. Mais dès l’appareillage de St Malo, il vit bien que le matelot
Gluck était fort au courant du métier et savait ce qu’il y avait à faire sans
qu’on ait besoin de le lui commander. Au retour de cette campagne, à Terre
Neuve, le Capitaine Laffont donnait à son matelot suisse, un certificat fort
élogieux, et Gluck se résigna tout de même à aller à l’Ecole d’Hydrographie à
Paimpol.
Pendant ses congés, il revenait à St Malo où il
avait conquis d’emblée l’estime et l’amitié de plusieurs marins, en particulier
de notre ami le commandant Emile Bourges. Tout allait donc bien pour Henri
Gluck, lorsqu’en juin 1939, les Allemands arrivèrent à Paimpol, juste la veille
des examens. Notre ami alors décida de regagner son pays. Il devait donc
traverser la France occupée et dut naviguer, sous des bâches dans divers wagons
de marchandises, franchir la Ligne de Démarcation. Enfin il arriva chez lui,
mais en raison des circonstances, il dut choisir : c’était sac à dos ou la
marine Suisse ! Son choix s’imposait, il gagna Gènes et navigua sous pavillon
suisse; pendant toute la Guerre, et profitant d’une escale aux Etats Unis, il
passa brillamment ses examens d’Officier et de Capitaine.
Pendant quelques années encore, il navigua après la
guerre.
Puis un jour, il voulut fonder un foyer avec une
amie d’enfance. Mais celle ci, en bonne Suissesse, lui mit le marché en mains :
C’est la Fille ou la Mer, mais pas les 2 à la fois. Il a choisi la fille et mis
sac à terre.
Gluck occupe une bonne situation dans une importante
société de métaux légers qui, par hasard, était dirigée par un ancien Cap
Hornier allemand, notre camarade Curt Blattner, ancien commandant du fameux
4-mâts HERZOGIN CECILIE. Les 2 Cap Horniers étaient faits pour s’entendre, ils
n’y. manquèrent pas.
Resté fidèle à St Malo, Henri Gluck revient presque
tous les ans y faire un petit séjour pour y retrouver ses amis, revoir la mer
et comme il dit respirer le goémon.
C’est ainsi qu’il fut le premier Cap Hornier étranger inscrit à notre Amicale en 1951. Mais bien qu’inscrit à la section de St Malo, il est resté le Cap Hornier Suisse. Il n’y en a pas deux !!!
Signé : Etienne Blandin.